En lisant cette interview, imaginez des rires, beaucoup, beaucoup de rires. Dorothée et Gabriella, les fondatrices de My Little Day, n'aiment pas se prendre au sérieux. Ces deux mamans "comme il y en a beaucoup" (leurs mots, pas les nôtres) sont drôles, originales et chic, à l'image du site qu'elles ont créé.
Quels sont vos rôles au sein de My Little Day ?
Gabriella : Nous avons partagé les rôles très vite.
Dorothée : Je dirais que tout s’est fait assez naturellement. On s’est posé une question très simple : qui sait faire quoi ? Gabriella s’occupe des professionnels et de l'administratif, je m'occupe des particuliers et de la communication. On a chacune un site, chacune une newsletter... Et tout ce qui concerne la direction artistique - la création des produits, les shootings, la création des boîtes - on travaille ensemble.
Racontez-nous les débuts de l’histoire.
Dorothée : Alors, je vais raconter la version mi-longue...
Nous avons fait des études d’histoire de l’art à la Sorbonne ensemble. C’était passionnant ! Gabriella avait un boulot d’étudiante : elle était animatrice de goûters d’anniversaire. Nous avions des amies communes. Et, très vite, je me suis retrouvée à animer des goûters avec elle. Nous faisions 3 goûters par semaine. Les enfants se sont éclatés et nous aussi. On avait l’impression de faire des cours d’aérobic de 3 heures, les enfants nous regardaient comme des princesses ! Après la fac, nous avons bossé chacune de notre côté, Gabriella chez India Mahdavi (l’architecte et décoratrice d’intérieur - ndlr) et moi en tant que pigiste en art contemporain pour différents magazines.
Gabriella reprend la parole pour décrire une fête d’anniversaire qui l’a particulièrement marquée, celle de Jules, le fils de Dorothée : Je me souviens d'un buffet énorme sur lequel on trouvait des chamallows, des brochettes de fruits, des petits fours et des bonbons. Il y avait un enfant d’un an et 20 adultes... Quelques années plus tard pour un autre anniversaire de Jules, j’ai eu Dorothée au téléphone. « J’ai fait les gâteaux des enfants, maintenant il faut que je fasse les gâteaux des adultes. » Elle m’a envoyé une photo d’un gâteau en forme de fort avec des Playmobils. Un truc incroyable. J’étais épatée.
Dorothée : Gabriella était convaincue que je devais monter une entreprise et distribuer des gâteaux d’anniversaire ! Je lui ai expliqué que Chez Bogato les faisait très bien et que je n’avais aucune intention de me mettre à faire des gâteaux. Puis est arrivé un autre anniversaire, celui de Margaux, la fille de Gabriella qui fêtait ses 3 ans. Elle cherchait des idées en ligne et ne trouvait rien de bien. Mais rien. C’est là que notre vraie idée a commencé à prendre forme. On s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire et on a commencé à réfléchir à un kit complet et un livret de jeu adapté à l’âge de l’enfant qui répondrait à toutes les questions que se posaient les parents avant une fête d'anniversaire.
Gabriella : Dorothée a commencé à travailler seule dessus. Mais très vite, elle m'a dit qu'elle ne le ferait pas seule. J’y ai réfléchi et je l’ai rappelée pour lui dire que j'étais prête à me lancer dans l'aventure. On s'est retrouvée tous les soirs pour faire le point et avancer. J’avais alors une vague idée de ce que c’était la TVA (rires) et je savais à peu près ce que signifier acheter et de revendre... Tout restait à faire ! C’est drôle parce qu’aujourd’hui, je suis convaincue que ce qui nous différencie, c’est que l'on sait de quoi on parle : on sait ce qu'est un goûter d’anniversaire, on en connaît les différentes problématiques et par conséquent on vend un produit qui est assimilé à un service.
Dès le début, vous avez vu My Little Day en grand ?
Ensemble – PAS DU TOUT. Nous ne sommes pas des business-women ! Au début, notre idée, c’était de rendre service ! De faciliter la vie des mamans comme nous, des mamans comme il y en a beaucoup. On voulait faire du beau et s’amuser. On voulait que les livrets de jeu soient utiles, que la serviette ait la bonne teinte de rose pour aller avec les assiettes... On imaginait pas que ça puisse fonctionner comme ça fonctionne aujourd'hui, les chiffres couchés sur le Business Plan nous paraissaient inatteignables et tout autour de nous, les avis émis étaient plutôt négatif : « Vous allez droit dans le mur », « C’est trop niche », « C’est trop parisien »...
Qu’est-ce qui a changé ?
Gabriella : Le temps a fait son travail. J’ai quitté mon boulot pour bosser sur My Little Day à plein temps. Ensemble, nous avons appris à gérer une boîte. Il y a eu une vraie période d’adaptation. On avait nos enfants, on faisait des allers-retours dans tous les sens, nos quotidiens ont été complètement bouleversés. Mais petit à petit, les choses ont commencé à rentrer dans l’ordre. Comme nous sommes toutes les deux de très ‘bons élèves’, à chaque fois qu’on nous donnait un conseil, on l’appliquait à la lettre ! Et on a eu BEAUCOUP de conseils.
Dorothée : Effectivement, nous sommes très, très bien entourées. Quelques mois avant le lancement du site, nous avons appris qu'un site du même type était sur le point d'être mis en ligne. Un pitch assez proche du nôtre, on a sérieusement douté de notre capacité à mener notre projet à bout. Mais nous avions trop travaillé, trop avancé. Nous avons lancé un communiqué fin novembre, Violaine Belle-Croix, alors au Milk, a calé un article pour le n° de mars. Je lui ai promis des visuels pour le bouclage fin janvier. Ça nous a donné un vrai coup de fouet. On ne savait pas encore ce qu’on aller shooter ! Mais on l’a fait et on a rendu les visuels fin janvier, épuisée mais fière !
Gabriella : C’est l’histoire du train qui passe. Est-ce que tu montes dedans ou pas ? À chaque fois qu’il y a eu une opportunité, nous sommes montées dans le train. Le salon Maison et Objet a fait partie de ces trains. Au moment où nous avons signé pour le faire, le produit n’existait pas ! On était le 6 juillet, on n’avait pas de fabricant, mais on a décidé de prendre le stand en se disant qu’on en trouverait un. My Little Day est comme ça aujourd’hui grâce à cette décision. Cet été-là , on a beaucoup travaillé, on a peu dormi et on a réalisé 4 collections. Quel stress ! Mais ça valait le coup, c’était dingue.
Quel serait votre conseil pour une entrepreneuse qui se lance dans le Net aujourd’hui ?
Dorothée : Nous avons été très entourées alors aujourd’hui on entoure à notre tour et on reçoit plein de jeunes entrepreneurs.
1/ Avoir un site qui fonctionne, une coquille solide. Ce n’était pas notre cas et passée une certaine taille, ça a été un enfer. Ne pas avoir le bon site, c’est comme ouvrir une boutique sans murs !
2/ Travailler l’image, l’image, l’image. Si tu n’as pas d’image, pas d’histoire, pas d’identité, tu n’y vas pas !
3/ Ne pas rester seul. Deux personnes ne sont jamais au fond du trou au même moment. Il y en toujours une pour aider l’autre à remonter la pente.
4/ Ne pas penser que c’est une bonne idée de vendre des vêtements pour enfant parce que on vient d’avoir un enfant ! On entend souvent « je monte un site de vente en ligne » comme si ça allait être facile, ce n’est pas facile. Ce n’est pas parce que c’est en ligne que ce n’est pas la vraie vie. C’est la vraie vie. L'e-commerce n’est pas un hobby !
Dans les moments difficiles, comment vous faites ?
Gabriella : On analyse les faits, les chiffres. On essaie de transformer ce qui est compliqué. Quand on regarde un concurrent, on se dit qu’il ne faut pas avoir peur, il faut faire ce qu’on sait faire le mieux possible, faire en sorte que les visiteurs puissent voir la différence. Aujourd’hui, on pense que la concurrence nous rend meilleure, nous oblige à nous remettre en question. Et, on commence à assumer notre statut de chef d'entreprise, même si on n’y est pas encore... J’ai dit à quelqu’un l’autre jour « quand je serai chef... » et il m’a dit « Gabriella, tu es déjà chef ! ».
Dorothée : Je dirais aussi qu’on a beaucoup de recul et d’humour sur nous-mêmes ce qui aide à relativiser !
L’auto-dérision fait donc partie de la culture de My Little Day ?
Oui. Et la culture. On essaie de s'entourer de gens ouverts, de personnalité. Des gens qui peuvent être sérieux, sans se prendre au sérieux, être dedans en étant dehors ! On vend des assiettes en carton. Il faut savoir raconter une histoire autour de ces assiettes parce que sinon, cela ne reste qu’une assiette en carton. Pour raconter une histoire, il faut se nourrir. Visuellement, en lisant, en allant voir une expo, en sortant...
Est-ce que vous avez un héro de l’entrepreneuriat ou du Net ?
Oui. Marie Soudré Richard, la fondatrice de Little Fashion Gallery, et Isis-Colombe Combréas, la fondatrice du magazine Milk. Elles ont toutes les deux ouvert des portes.
Quel est pour vous le web de demain ?
Gabriella : L’achat direct. Tout image sera dorénavant cliquable et achetable. Et l’amélioration des structures logistiques - le « same day delivery » changera tout pour l’e-commerce.
Quels sont vos sites préférés ?
Gabriella – ZARA. J’ai honte. Je ne devrais pas le dire mais j’adore le site de Zara.
Dorothée – Sézane. J’achète à chaque vente. (Elle arbore fièrement le sac Clark en noir acheté sur le site quelques jours auparavant). Morgane Sézalory a une vraie histoire à raconter. Tu sens qu’elle est sincère. J’aime aussi Centre Commercial. Et Maison Standards. Le site est simple, la sélection est bien, la navigation est facile, tu sais où tu vas.
Et les blogs que vous aimez ?
Ma Recreation, The Other Art of Living, What Domino Wants, Les Voyages d’Ingrid, The Socialite Family, Man Repeller, Make my lemonade, Le dans La, Bluebird, My little fabric...
Etes-vous geek ou chic ?
Chic. On n’est pas geek du tout !