Juliette Lévy

Au travers de ces interviews, j'ai constaté que les entrepreneurs sont généralement très enthousiastes. Plus enthousiaste que Juliette Lévy, la jeune fondatrice d'Oh My Cream !, je n'ai jamais vu. Si cette interview est parsemée de points d'exclamation, il n'y a pas de hasard ! Rencontre avec une fille qui veut rendre la vie plus belle.


Raconte-nous ton parcours.

Comme beaucoup d’entrepreneurs, j’ai fait une école de commerce. J’ai enchainé des stages, dont beaucoup dans le monde de la finance et un (ça va paraître un peu éclectique...) au Bon Marché. C’est là où j’ai découvert les marques de beauté de niche comme Ren, Eve Lom et Dermalogica, et où l’idée d’Oh My Cream a commencé à germer. Si mon parcours paraît un peu court, c’est parce que j’ai monté ma boîte à la sortie de l’école ! (Juliette a 25 ans, ndlr)

Je viens d’une famille d’entrepreneurs. Je trouve que ça démystifie vachement l’entrepreneuriat. Tu te dis que monter ta boîte, ce n’est pas si compliqué que ça finalement. C’est du boulot, certes, mais quand tu fais ce que tu aimes, c’est tellement un bonheur ! J’ai aussi la chance d’être très bien entourée, d’avoir trouvé Marion (l’experte du soin) et Fleur (la génie du marketing) très vite. Une entreprise, c'est d'abord de l'humain.


Raconte-nous les débuts d’Oh My Cream !

J’ai le virus de la beauté depuis toujours. Quand j’avais 17 ans je faisais du babysitting pour payer mes crèmes Sisley (rires). Après mon stage au Bon Marché, j’ai commencé à sonder les femmes de mon entourage. Beaucoup d’entre elles me disaient que leurs crèmes ne marchaient pas, que les vendeuses chez Sephora ne maîtrisaient pas toujours leur sujet, qu’elles se sentaient paumées, désabusées, lassées des grandes marques et des grands magasins. C’est à ce moment là que j’ai commencé à réfléchir sérieusement à créer un lieu que fasse le tri, qui ne vende que la crème de la crème, qui sélectionne, qui teste.


Comment as-tu trouvé le nom ?

Avec beaucoup de difficulté ! Il y en avait d’autres en lice. Cosmythics par exemple... Finalement Oh My Cream ! a remporté le palmarès pour quatre raisons. D’abord parce que tu vas t’exclamer devant la qualité des produits donc ‘oh my !’. Puis il fallait un nom qui pouvait se dire facilement en anglais. Le ‘my’ c’est important parce qu’il faut que le produit te corresponde. Il y a un très fort élément de conseil chez nous. Et ‘cream’ parce que nous sommes des expertes du soin avant tout.


Quels sont tes produits phares ?

Les produits de Joelle Ciocco. Elle est très proche de la dermatologie. C’est une épidermologue, d’après le mouvement qu’elle a fondé. Elle a une approche de la peau très intelligente. Elle s’intéresse à ton hygiène de vie, ton sommeil, ton niveau de stress, ce que tu manges. Elle a une philosophie très saine qui consiste à dire que le premier geste anti-age, c’est un bon nettoyage. Si tu mets des sérums sur une peau qui n’est pas propre, autant les jeter à la poubelle ! Donc son best seller c’est le lait onctueux capital, qui est son lait démaquillant. Ensuite, elle prône la nutrition de la peau et la reconstruction de la barrière hydro-lipidique. C’est une vision qui nous plaît, qui plaît à nos clientes, et qui plaît à certaines personnes connues comme Carine Roitfeld, Monica Bellucci et Nathalie Portman, qui vont toutes chez elle.

Chez Oh My Cream ! on aime les produits cultes et confidentiels. Pour les cheveux, la marque culte c’est Léonor Greyl. Le shampooing de bambou et l’huile de palme, un produit qui est vraiment top. Tu l’appliques sur tes cheveux avant de t’endormir et quand tu te réveilles, ils sont brillants, fortifiés, réparés. Pour le côté plus confidentiel, on adore la gamme de Christophe Robin. On est dingue de son dernier produit, le masque régénérant à l’huile de figue de barbarie.

Comme on aime aussi le côté « petit challenger », on a commencé à vendre les vernis Kure Bazaar. Ça cartonne, tout simplement. Ils ont des couleurs de dingue qui sont ultra-pigmentées donc une couche suffit. Enfin, le dernier produit arrivé, c’est le gel douche de la marque franco-japonaise Suilo. Il te fait une peau magnifique, tu n’as même pas besoin de mettre une crème de corps après la douche !


Pourquoi l'approche de la beauté à la parisienne fascine autant selon toi ?

La parisienne, elle fait très « effortless », très naturel. Son make-up va être très subtil, très nude, très chic. Et en soin, elle sera plutôt « less is more ». La philosophie va être « je me trouve quelques très bons essentiels, un excellent nettoyage, une bonne hydratation, une bonne protection solaire ». Elles sont plus soin que make-up. Et dans le soin, elles vont vers l’essentiel. Il ne faut pas oublier qu’en France, contrairement aux Etats Unis ou en Angleterre, on voit régulièrement un dermato, on achète pas mal de trucs à la pharmacie, la beauté chez nous, c’est presque médicale.


French women don’t get facelifts. Vrai ou pas vrai ?

Vrai par rapport aux clientes d’ici ! Par rapport à la parisienne chic dont on parle, c’est vrai. Elle fait des bons petits gommages, elle manipule les huiles, elle boit de l’eau, elle prend l’air, mais elle ne fait pas de chirurgie. Oui parfois elle fume et elle boit (il ne faut pas se leurrer) mais elle sait ce qu’il faut faire pour avoir une belle peau.


Pourquoi la française n’est pas pétrifiée par les rides ?

Parce qu’elle sait que ça fait partie de son charme, de qui elle est. La vision que l’on défende ici par exemple, c’est qu’il n’y a aucun produit qui va éliminer une ride qui est installée. Ça n’existe pas. Elle ne partira pas. Par contre, ce que la française sait très bien, c’est que tu peux améliorer l’éclat et le grain de ta peau. Elle va plus être dans une approche belle peau que peau pas ridée.


Est-ce que tu as un héros du net ?

OUI ! Nathalie Massenet (la fondatrice de Net A Porter ndlr). On est toutes les deux (le no. 2 en question, c’est Fleur Bazin, qui accompagne Juliette depuis les débuts de l’histoire) un peu piquées ! Elle a monté quelque chose de très précurseur. A toutes ces personnes qui ont dit que ce n’était pas possible d’acheter une robe de luxe en ligne, elle a prouvé que ça pouvait se faire. En un peu plus de dix ans, ce qu’elle a réussi à faire, c’est énorme. Elle a inventé le shopping éditorialisé. On dit que c’est l’avenir en 2014, elle l’a fait en 2000 !

Dans l'univers de la beauté, j’admire énormément Nicky Kinnaird, la fondatrice de Space NK (la chaine de boutiques de beauté, fondée en Angleterre en 1993).

Je trouve qu'Antoine Granjon de Vente Privée force l’admiration aussi. Il a compris avant tout le monde qu’il fallait créer l’événement pour vendre en ligne. Et Jeff Bezos d’Amazon, qui a mis le client au centre de tout. Notre obsession chez Oh My Cream, c’est le client. Le client ne peut pas être mécontent. Ce n’est pas possible !


Est-ce que tu as toujours vu Oh My Cream en grand ?

Oui, l’idée c’est d’avoir un site international et un réseau de boutiques qui va venir titiller les gros. Toujours le physique au soutien du virtuel donc ? Oui, je pense qu’on peut faire énormément de choses en ligne, parfois même plus que dans une boutique. On peut faire passer un nombre de messages incroyable en ligne. Une fille pourra passer deux heures sur le site à flâner, à lire les magazines et à acheter, mais elle ne va pas venir dans la boutique pour m’écouter parler pendant 2 heures ! Par contre, je trouve que la boutique est très complémentaire au web, surtout quand un canal sert l’autre. Les présentoirs ipad dans la boutique sont prévus, l’appli arrive pour 2014 !


Tu as parlé du shopping éditorialisé ; j’ai l’impression que l’éditorial est primordial pour Oh My Cream. Pourquoi ?

Si tu ne proposes pas une expérience en ligne, les gens vont continuer à aller dans une boutique. En plus, ton offre, tout le monde peut la copier, tes marques, ta grille de produits sur fond blanc, tout est copiable. Ce qui vient faire la différence, c’est l’expérience. En plus, comme on vend des marques peu connues, notre contenu éditorial permet de véhiculer un discours autour d’eux. Et de faire revenir les gens. Le trafic récurrent est plus fort sur les blogs et les sites d’infos que sur les sites d’e-commerce. Je crois aussi que quand tu es un distributeur multimarques, tu as besoin de créer ta propre marque. Sois tu es une addition de plusieurs marques, sois tu es Oh My Cream ! Pour cette équation, l’éditorial est clé. Enfin, le magazine permet de créer une relation de confiance car tu peux montrer que tu as une certaine indépendance.


Quels ont été les moments difficiles dans l'histiore d'Oh My Cream ?

Convaincre des marques de nous rejoindre quand on n’avait qu’une présentation power-point. La première marque à nous dire oui, c’était REN. Je me souviens d’où j’étais, de ce que je faisais. C’était un moment clé car dès que tu as une marque qui dit oui, tu peux commencer à construire quelque chose.


Quel serait ton conseil pour une fille qui se lance dans le Net aujourd’hui ?

« Plan as much as you can. Jump in and go for it. Adapt as you go along. » Cette phrase, je l’ai piquée à Nathalie Massenet ! Avec Fleur, nous nous sommes posées trois mois dans un bureau, nous avons fait notre business plan, des jolies projections, une maquette (qui pour le coup n’a rien à voir avec ce que c’est le site aujourd’hui) et nous avons trouvé un nom (qui a changé !). Donc, yes, on a planifié. C’est nécessaire même si ce n’est jamais suffisant ! Mais à un moment, il faut y aller, plonger la tête la première et prendre des risques. Parfois les gens vont te prendre pour un fou mais ce n’est pas grave ! Je crois que tous les entrepreneurs, à un moment, on les a pris pour des fous ! Il faut être flexible et capable de s’adapter. Il faut être à l’écoute et parler, parler, parler de ton projet. Surtout ne pas rester dans ta bulle. Donc, pour résumer, il faut de la prévision, énormément d’intuition et un brin d’adaptation !


Qu’est ce qui vous motive ?

On est droguée à la beauté ! Non, sérieusement, ne jamais passer la même journée, c’est grisant. Bosser avec les gens que tu aimes bien et que tu as envie de voir tous les jours, ça aussi c’est une énorme motivation. Et se dire que tout est à faire est incroyable. Tu as une idée pendant le weekend, tu arrives le lundi matin et tu peux le mettre en œuvre !


Quels sont vos sites préférés ?

Ysé pour la lingerie, Cult Furniture pour les meubles (on vient d’y dépenser une petite fortune sur les meubles pour nos nouveaux bureaux), Stylebop pour la mode, Net A Porter pour la beauté et la mode, Les Trouvailles d’Elsa pour les bijoux et Sézane pour tout !

 

Vos blogs préférés ?

Into the Gloss, Ma Récréation, The Socialite Family, The Coveteur, Get the Gloss, My Little Fabric et hello-hello.fr.