Nathalie Christen-Genty

Nathalie Christen-Genty est "d'abord une mère et Melijoe", le site qu'elle a créé en 2007. Rencontre avec une entrepreneuse passionnée du web et de la mode enfant.


Raconte-nous ton parcours et les débuts de Melijoe.

Melijoe a vu le jour en 2007. Mais l’aventure a commencé bien avant. En sortant de mes études de communication, je suis tombée dans le web. C’était au tout début de la bulle internet. Je travaillais aux côtés de copains ingénieurs qui créaient des sites, qui codaient. Je m’y suis mise aussi en lançant une petite boutique en ligne qui vendait des produits de déco « vache », le Select Shop. C’était rigolo, ça a pris assez vite, même si je me suis rendue compte au bout de quelques mois que le business model n’était pas le bon. Mais mes produits « vache » m’ont permis d’acquérir une vraie expérience web !

Quelques années plus tard, enceinte de mon premier bébé, j’ai découvert la mode enfant. Comme beaucoup de femmes, c’était la première fois que j’ai mis les pieds dans une boutique pour enfants. Comme j’étais déjà habituée à acheter sur le net, j’ai aussi regardé ce qu’il y avait en ligne. À mon grand désespoir, je me suis rendue compte que j’avais le choix entre Vertbaudet et La Redoute... C’était un moment clé, je me suis dit qu’il y avait vraiment quelque chose à faire. J’ai donc transformé ma première e-boutique en boutique pour enfants que j’ai baptisée Bébéo.

Dès le début, les produits partaient comme des petits pains. Comme j’achetais principalement des marques du groupe français Zannier (Catimini, 3 Pommes, IKKS...), au bout d’un moment ils m’ont contactée. Je pense que la quantité que j’achetais les interpellait... Ils ont investi à mes côtés, ce qui, à l’époque, mettait leur portefeuille de marques à ma disposition et me permettait d’apprendre les ficelles de l’univers de l’enfant. J’étais à la bonne école. Mais au bout d’un moment, je me suis rendue compte que j’étais en train de devenir le site du groupe Zannier, ce qui n’était pas mon objectif. Aujourd’hui, Melijoe (la suite de Bébéo) évolue avec un fond d’investissement à nos côtés.


L’offre pour enfant a énormément évolué ces dernières années. Comment tu fais pour te différencier ?

Notre positionnement sur des marques à forte notoriété nous a permis de nous différencier des autres acteurs du marché de l’enfant en France dès le début. Il y avait aussi mon envie de développer le contenu en ligne. La mode enfant, que j’ai découverte en ayant mes enfants (Nathalie a quatre enfants et attend un cinquième), est un monde de passionnés. Faisant les achats pendant des années, je me suis rendue compte qu’il y avait vraiment des histoires à raconter.

Pour résumer donc ! La presse et le contenu éditorial m’ont toujours passionnée, je viens du web, j’ai eu mes enfants : ces trois choses ont fait que Melijoe est né.


Qu’est-ce qui te passionne particulièrement dans le contenu éditorial ?

Je connais les marques par cœur parce que ça fait des années que je les achète, que je suis en contact avec eux et au courant de tout ce qu’elles font. Cette passion, j’ai voulu la transmettre par le contenu. En France il y a une belle presse enfant (Milk, Doolittle...) mais elle est très confidentielle, très subjective. Nous, on essaie d’être factuel, et surtout d’aller plus loin que les frontières. Comme nous avons de l’information à la fois de la part des marques et de la part des clientes, je trouve que nous avons un vrai avis à partager. Nous venons de lancer notre premier magazine print qui traite les tendances et qui parle des marques, qui elles sont, ce qu’elles font. Il va sortir dorénavant deux fois par an.

En dehors de l’univers de l’enfant, j’achète aussi en ligne pour moi et je crois que quand je sais quelque chose en plus sur un vêtement ou une marque, il est plus probable que je l’achète. « Désanonymiser » le web et raconter une histoire, c’est hyper important.


On te voit peu à travers la communication de Melijoe pourtant...

J’ai peu communiqué sur moi car notre positionnement (vendre les marques à forte notoriété au lieu des marques de créateur) nous a tirés. Aujourd’hui, on arrive à un stade où il y a beaucoup de concurrence car les marques elles-mêmes sont en ligne. Il y a donc un besoin plus fort de communiquer. Mais sur le fond, c’est une question de caractère. Je suis plutôt quelqu’un de discret : plus je suis discrète, mieux je me porte.


Est-ce que tu as toujours vu Melijoe en grand ?

Oui (un long moment d’hésitation). Pas en tant qu’entrepreneur, mais surtout parce que j’ai plein de choses à faire. Mon sentiment le plus fort, c’est la frustration ! J’ai tellement de projets. On est au tout début de l’histoire. Il n’y a rien en Chine, rien en Russie, rien au Moyen-Orient. Les marques, il y en a encore plein à rentrer...


Comment tu te motives dans les moments difficiles car l’entrepreneuriat, comme chacun le sait, n’est pas toujours facile ?

Je ne me souviens pas d’avoir été démotivée parce qu’il y a toujours tellement de choses à réaliser ! La vie que j’ai avec 4 enfants et un mari qui vit pendant la semaine à Londres fait que je n’ai pas vraiment le temps de me poser des questions. Je crois tellement en mon projet aussi. J’y vais, je fonce !


Est-ce que tu es entrepreneur dans l’âme ?

Non, je ne crois pas. Je suis d’abord Melijoe et maman. Je sais que je ne voulais pas dépendre de mon mari. Mais je crois que sur le fond, je suis plus créative qu’entrepreneur. Je suis fonceuse, je n’ai pas peur, j’y vais, je ne me pose pas trop de questions. Si tu perds, tu perds, c’est un peu un jeu aussi.


Quel est ton conseil pour une fille qui se lance dans l’entrepreneuriat aujourd’hui ?

Ne le fais pas en France (rires) ! Non, plus sérieusement, il faut que l’idée soit bonne, il faut bien valider le concept. Après, si tu es passionnée et passionnante, tu peux y arriver.


Quel est pour toi le Net de demain ?

C’est le Net de nos enfants, ce qui me fait peur d’ailleurs. Ils sont archi-connectés. Après, j’ai ma vision aussi qui est loin de la vision très « sociale » du Net d’aujourd’hui. Je ne suis sur aucun réseau par exemple. Je trouve que ce cliché de l’entrepreneur hyper-connecté qui est tout le temps sur Twitter est un mythe. Ça n’existe pas. Je suis maman, j’ai Melijoe, je n’ai pas le temps !

Pour les tendances, je regarde beaucoup la Chine et l’Angleterre, il y a une longueur d’avance énorme. Net-A-Porter est un très beau modèle. Il y a aussi quelques sites chinois où tout le service client est géré par Whatsapp. Il n’y a plus de mailing, plus de newsletter généralisée ! Je suis maman, j’ai 4 enfants, je devrais recevoir une newsletter hyper-personnalisée pour chaque enfant. Avec tous les cookies et les infos que nous avons, on ne peut plus se permettre d’envoyer un mail sur les vêtements pour bébés à une femme qui a un fils de 10 ans...

Quels sont tes sites préférés ?

Matches Fashion, Net-A-Porter, Monjolishop, My Little Bazar, Made in design...

Est-ce que tu lis des blogs ?

Je n’ai pas le temps. À part Fashion Mag que je lis tous les matins pour le boulot.

Est-ce que tu as un héro ou un mentor du Net ?

Il y a plein de gens qui m’inspirent pour plein de raisons mais pas forcément un. J’aime beaucoup les gens avec qui je travaille, qui ont monté des marques pour enfant, qui sont souvent des gens passionnés, très attachés aux produits, je trouve ça génial. La mode enfant et la mode adulte, ce n’est pas la même chose. Je n’aurais pas voulu être dans la mode adulte...

Une dernière question. Tu es geek ou chic ?

Pas trop geek. Plutôt chic je pense. Je ne suis pas Victoria Beckham non plus, même si j’ai au moins 40 paires de talons dans mon placard (que je ne mets pas...). Disons que je suis cool !

 

Photos : Dung Vo, Vovies Photography