Morgane Sézalory

Aujourd'hui une interview passionnante avec Morgane Sézalory, la fondatrice et directrice artistique de Sézane, anciennement Les Composantes.

La première fois que j'ai rencontré Morgane, je me suis dit qu'elle était une fille impressionante ; la deuxième fois, qu'elle était très smart ; la troisième fois, qu'en plus, elle était super gentille, et la quatrième, j'ai eu la chance de pouvoir lui poser toutes les questions qui me passaient par la tête. Ce qui a bien confirmé tout ce que je pensais déjà !

J'espère qu'à travers ces lignes, vous allez vous apercevoir de son éternelle curiosité et de sa force unique : au delà d'avoir créé une marque, elle a su créer un univers. Un univers auquel on a envie d'appartenir. Et surtout un univers qui n'aurait peut-être pas pu exister sans le Net. Et pour ça, chez Nettement Chic, on l'adore.


Quelles études as-tu suivi ? Quel a été ton parcours ?

J’ai passé mon bac en candidat libre en pensant me lancer dans le droit ou les sciences politiques. Rien à voir avec la création ou l’internet...  Le jour où j’ai passé l’épreuve d’arts plastiques, je me suis « révélée » en quelque sorte. En parlant avec le jury je me suis rendue compte que je risquais de passer à côté de moi-même en poursuivant le parcours plus académique auquel je me croyais destinée. Même le nom Les Composantes vient de ce moment là car quand le jury m’a demandé ce que je faisais, je leur ai expliqué que je « composais ».

Après le bac, j’ai voulu prendre le temps de décider ce que j’allais faire. J’étais sûre d’une chose : que je voulais être indépendante, libre. L’idée d’une école d’arts appliqués me tentait mais finalement je trouvais l’horizon très limité et limitant. Je ne voulais pas être cantonnée à une seule activité.

Pendant cette année, un peu par hasard, ma sœur est partie vivre à Londres, en laissant deux sacs de vêtements vintage à la maison. Un matin, sans vraiment réfléchir, j’ai sorti les vêtements et je les ai pris en photo. Je les ai vendus (très bien par ailleurs) sur ebay. En regardant les photos, je me suis rendue compte que j’avais une sorte de savoir-faire visuel naturel, sans que cela soit prémédité. La décision de chiner et de revendre mes trouvailles date donc de ce moment là. Progressivement, en vendant des pièces vintage, je me suis dit qu’il serait génial, un jour, de pouvoir éditer mes propres créations car chaque article qui me passait entre les mains n'existait qu'en pièce unique.

On est en quelle année ?

On est en 2002 à peu près. Les solutions clé en main pour créer un site qui me permettrait de faire ce que je faisais sur ebay mais en plus joli n’existaient pas, mais j’y songeais déjà. Enfin, on a trouvé une solution un peu plus sophistiquée (les débuts de Big Cartel pour les geeks :)). Ce premier site m’a permis de mettre en vente une centaine de pièces chinées par mois. C’est ce qui a finalement conditionné cette idée d’une sélection éphémère limitée à 100 pièces qui a si longtemps caractérisé Les Composantes.

Et les pièces uniques alors ?

En 2009, l’intégration des pièces uniques a commencé. En tant que créateur, ce qui me motivait à chaque fois c’était le besoin. Je cherchais à créer les pièces dont j’avais le sentiment que les femmes avaient du mal à les trouver. La robe noire parfaite par exemple. Ou un sac, durable dans le temps et qui réponde à certains besoins. Je voulais trouver ces réponses de façon accessible.

Il fallait toujours un message et une justification. Je voulais que les filles y croient autant que moi et qu’elles soutiennent le projet. Et surtout il fallait pouvoir l’autofinancer.

Finalement tout ça me semble être comme une école, une période d’apprentissage de 10 ans qui m’a permis d’avoir un certain savoir-faire. Sézane, c’est la suite logique de tout ce qui l’a précédé.

Te souviens-tu du moment où tu t’es dit que le site allait marcher, le moment où tu as osé penser que ton rêve devenait réalité ?

Au lancement de Sézane, cette année donc. Même si depuis le début, Les Composantes, ça n’a jamais "pas marché". Mais c’était super progressif.

Tu voyais toujours Les Composantes / Sézane en grand ?

Non, non. Mais j’ai une certaine conscience du fait que la vie est fragile et que se projeter peut s’avérer périlleux. Par contre, j’ai toujours cru dans le produit et dans le concept. Maintenant, le fait de ne plus être seule (Corentin Petit a rejoint Morgane en tant qu’associé en 2012) m’oblige à me projeter. Donc en fait, oui, maintenant je vois Sézane en grand ! On a un projet de vie avec Sézane. C’est comme une histoire de famille.

Qu’est-ce qu’il y a dans ton caractère qui fait que Sézane est ce qu’il est aujourd’hui ?

Ca va paraître prétentieux mais je dirais que je suis tout d’abord très humaine. Tout se joue à l’affect. Je pense que l’on sent que derrière le site il y a quelqu’un qui aime les gens. J’adore donner dans l’absolu et je pense qu’on le ressent. Le site est vrai, spontané, il répond vraiment à mes convictions.

On dit avec Corentin que nous avons envie d’être une marque « feel good » ! De créer une expérience que tu retiens, qui crée un lien, qui fait que le client se sent considéré.

Une devise : Le client est roi !

Un site : Net A Porter (pour le sentiment d’ultime confiance que l’on a quand on est sur ce site), mais aussi Bodie & Fou, Oh My Cream, The Calm Gallery et twentytwentyone

Un blog : Garance Doré, Business of Fashion, The Sartorialist, The Socialite Family, Café Mode

Un « héro » du net : Garance Doré et Nathalie Massenet (la fondatrice de Net A Porter)

Un créateur : Carven, Bouchra Jarrar, Céline, Stella McCartney, Victoria Beckham (je reconnais que cette réponse peut paraître étonnante mais je trouve qu’elle a eu cette intelligence de réunir autour d’elle les meilleures personnes).

Quel serait ton conseil pour une fille qui se lance dans le Net aujourd’hui ?

Bon courage :) Rires (surtout moi...). Non, sérieusement, il faut apporter quelque chose qui n’a pas déjà été fait. Et il faut que le projet réponde à un vrai besoin.

Chic ou geek ?

Chic et geek !

 

Une vision du Net de demain ?

Il sera plus facile, tout sera encore plus optimisé. Et il y aura une espèce de surenchère au niveau du service. Et un truc hyper réaliste pour se voir dans les vêtements. L’e-shop idéal, c’est un e-shop où il y aura vraiment du conseil. Un personal shopper qui peut vous expliquer pour qui le vêtement est fait. On est hyper convaincu que c’est le futur. Nous, Sézane, c’est le Net, le Net, le Net.

Un autre parcours si le Net n'existait pas ?

Corentin répond pour elle : acheteuse au Bon Marché ! Morgane (rires) : pourquoi pas. Oui, acheteuse dans la mode. Ou j’aurais aimé tenir un restaurant, un lieu de vie, un bel endroit où on se sent bien. J’aime les choses bien pensées qui répondent à un vrai besoin.

Le vêtement que tu rêves de créer, existe-t-il déjà ?

Non, mais je crois que c’est une quête interminable. Et géniale en même temps. Je crois très fort que dans ce genre de projet, on ne peut pas attendre que tout soit parfait pour se lancer. Il faut y aller, proposer. J’aime bien cette expression « le mieux, c’est l’ennemi du bien. »